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Faut-il supprimer les chefferies traditionnelles ? Deux visions s’affrontent

Fév 04, 2022

Au Tchad, les chefferies traditionnelles s’organisent autour de la figure emblématique du chef, désigné selon les régions. Dans le Nord, totalement musulman, le monarque porte parfois le titre de sultan et dans le sud, animiste et chrétien, c’est l’appellation Mbang ou Gong. Mais ces dernières années, la question des chefferies traditionnelles peinent est sources de tensions. A la vieille du dialogue national inclusif (DNI) Ialtchad Presse lance les débats à travers deux personnalités publiques. L’enseignant-chercheur Dr Sitack Yombatina et sa Majesté Tamitah Djidingar chef de canton Donomanga, dans la province de la Tandjilé et président de l’association des autorités coutumières et traditionnelles du Tchad (ACTT). Reportage.

Les chefs traditionnels sont des auxiliaires de l’administration. Ils sont placés sous la tutelle du ministère de l’Administration du territoire. Représentants légaux de l’État, ils sont chargés de certaines tâches telles que la collecte des impôts. Mais ces dernières années les chefs traditionnels tels que le sultan et le chef de canton rencontrent d’énormes difficultés dans l’exercice de leur fonction. Mal compris, les chefs traditionnels sont parfois bafoués et contestés par leurs sujets, rejetant leur autorité.

Pour l’enseignant chercheur, Dr Sitack Yombatina Béni qui fait l’historique de la chefferie traditionnelle, explique que le canton est une subdivision administrative d’un pays. Pour ce qui concerne le sultanat, il précise que le sultanat a une connotation religieuse musulmane surtout et est légèrement au-dessus du canton. Pour le juriste, le canton est un découpage territorial qui comprend plusieurs communes qui sont réglementées par des textes. Selon lui, le sultanat est un regroupement de plusieurs cantons, une coche au-dessus du canton. 

Au sujet du rôle du chef de canton et du sultan, M. Sitack affirme que les deux jouent pratiquement les mêmes fonctions, mais le sultan est une appellation musulmane. Il est considéré comme le commandeur de la religion, donc en même temps un guide spirituel. Alors que le chef de canton peut être un animiste. Toujours selon M. Sitack, le point commun entre les deux est le pouvoir héréditaire chez le sultan comme chez le chef de canton. Le chercheur souligne aussi que le sultanat existe depuis le 14e siècle. C’est un pouvoir qui se transmet du père en fils comme le chef de canton. M. Sitack Yombatina Béni précise que c’est à partir de la Conférence nationale souveraine (CNS) de 1993 que le débat sur la chefferie traditionnelle s’est posé et jusque-là, aucune solution n’a vu le jour. A son avis la chefferie traditionnelle pose problème dans un pays qui se veut démocratique. Pour lui, la chefferie traditionnelle n’obéit à aucune règle démocratique. Il estime que le mode de désignation est contraire aux règles démocratiques. Et propose qu’on annule la chefferie traditionnelle au Tchad, comme dans certains pays africains. Dr Sitack voudrait qu’on inscrive le problème de chefferie traditionnelle au débat lors du dialogue national inclusif prochain.

Pour le chef de canton de Donomanga, province de la Tandjilé et président de l’association des autorités coutumières et traditionnelles du Tchad (ACTT) Sa Majesté Tamitah Djidingar, on ne peut pas supprimer la chefferie traditionnelle. Ce influent chef de canton affirme qu’il est impensable de parler de la suppression de l’autorité traditionnelle. Il estime que supprimer la chefferie traditionnelle, c’est oser supprimer nos us et coutumes, car la chefferie traditionnelle est l’identité d’un peuple. Sa Majesté souligne que depuis la nuit des temps, les chefs traditionnels ont joué et continuent de jouer un rôle majeur à chaque étape décisive de l’évolution politique du Tchad. « Tantôt adulés, tantôt honnis suivant les périodes et les régimes, les chefs traditionnels sont incontestablement les piliers de l’administration du territoire parce qu’ils connaissent mieux que quiconque les populations dans leur vie profonde », dit le président. Tamitah Djidingar. Il soutient qu’aucun des régimes qui se sont succédé de 1960 à 1990 n’a pris à bras le corps le problème de la chefferie traditionnelle au pays.  Mais poursuit-il, c’est avec l’avènement de la démocratie en 1990 que les chefs traditionnels naguère confinés au rang de simples auxiliaires chargés d’aider l’administration publique sont projetés à l’avant-scène de la vie publique.

Jules Doukoundjé

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