La forêt de Farcha Milézi est un site provisoire accueille des milliers de réfugiés camerounais composés essentiellement des femmes et des enfants. Traumatisées, plusieurs d’entre elles racontent les violentes scènes de conflits intercommunautaires qui ont eu lieu le 5 décembre dernier dans la ville camerounaise Kousserie voisine de la capitale tchadienne, N’Djamena. Reportage.
Plusieurs réfugiés camerounais qui ont fui les violents conflits intercommunautaires. Ils sont accueillis dans la forêt de Farcha Milézi, dans le 1er arrondissement de la ville de N’Djamena. Ces milliers de réfugiés y sont installés provisoirement dans cette petite forêt. Ici est là les familles sont sous l’ombre des arbres. La plupart des réfugiés sont des femmes et des enfants non-accompagnés. Ils sont traumatisés par les violents affrontements entre les éleveurs arabes Choa et les cultivateurs et pêcheurs Mousgoum. Ces femmes racontent chacune à sa manière les scènes de violences qu’elles ont été témoins. Malgré les premières assistances données par les autorités tchadiennes et leurs partenaires, beaucoup de ces femmes et surtout ces enfants peinent toujours à s’exprimer sur ces violences.
Hadjé Tom Hisseini, une femme de 60 ans est assise sous un arbre. Elle raconte dans une voix tremblante les violents affrontements qu’elle a vus. Selon elle, dans son village, les agriculteurs Mousgoum les ont attaqués vers 7h du matin. Elle affirme que beaucoup de femmes et des enfants ont été brulés vif. « Nous n’avons pas eu le temps de nous organiser, ils étaient venus nombreux avec les sagaies et de machettes en criant. Et puis ils ont mis de feu dans nos cases », dit-elle avec émotion. Hadjié Tom Hisseini souligne qu’elle a la chance d’échapper à la mort. Elle a perdu plusieurs membres de sa famille. Accompagnée de ses deux filles, elle dit n’avoir pas eu de nouvelles de ses 3 garçons et certains de ses petits-enfants. Mme Tom affirme aussi qu’elle et ses filles sont arrivées sur ce site, il y a 3 jours. Elles peinent à dormir dehors, sans moustiquaire, mangent difficilement. Entourées d’autres femmes, ces réfugiées menacent de retourner dans leurs villages, si les autorités tchadiennes et leurs partenaires ne s’occupent pas correctement d’elles.
Même récit d’une autre jeune femme d’une trentaine d’années qui donne de l’eau à son nourrisson. Elle s’appelle Fanné Abakar. Elle habite dans un hameau d’environ 7 km de Kousseri, elle dit avoir quitté son village les cases en fumée. Dans sa fuite, elle a vu les corps sans vie jonchés tout au long de son chemin. Elle raconte les scènes de violences inouïes. Elle s’est subitement tue, s’est retournée pour cacher ses émotions avant de reprendre son souffle. Elle passe son pagne sur la tête à son visage et lâche la gorge serrée, « depuis ma naissance, je n’ai jamais vu des violences pareilles ». Elle affirme n’avoir pas retrouvé son mari et de ses deux enfants. Selon elle, ce sont les pécheurs Mousgoum qui les ont attaqués et ont brûlé les cases, les mosquées et les boutiques. Fanné Abakar a toutefois reconnu le soutien des autorités tchadiennes qui n’ont ménagé aucun effort pour leur porter assistance. Elle reconnaît avoir reçu des mains des volontaires de la croix rouge tchadienne des couvertures, de moustiquaires et des vivres.
Germaine Nadjibé, épouse d’un pêcheur a aussi fui le conflit avec ses voisines et leurs enfants lorsqu’elles ont vu les agriculteurs brûler un village voisin. De peur d’être réprimées, plusieurs familles d’autres communautés ont décidé de quitter leurs villages pour se mettre à l’abri de la colère des deux communautés qui s’affrontent. Germaine Nadjibé dit que depuis leur arrivée sur le site, ils ne sont pas pris en charge. Selon elle, les autorités qui distribuent des vivres les ont discriminés. Elle estime que celles-ci accordent plus de compassions aux réfugiées arabes que d’autres communautés.
Certains volontaires de la croix rouge tchadienne rencontrés dans le site de Farcha Milézi affirment qu’ils ont recensé plus 865 ménages. Et ont donné à chaque ménage de tickets leur permettant de se nourrir en attendant de leur trouver un local fixe.
Pour le président de la sous-commission d’accueil des réfugiés de la Mairie de N’Djamena, Mahamat Hassan, le ministère de la Santé publique et de la Solidarité nationale a fait un don de 800 couvertures, 800 seaux, 800 sacs de riz de 50kg, 80 cartons de dattes et 80 cartons de savons. Il affirme aussi que le ministère de la Santé publique a donné 50 bœufs. 3 têtes par jour pour distribuer aux réfugiés accueillis sur les sites du 1er arrondissement. Il précise que toutes les 865 familles recensées ont reçu des vivres. Le président de la sous-commission d’accueil reconnaît toutefois des difficultés dans la distribution de ces vivres. Il évoque que l’afflux des nouveaux réfugiés rend difficile le travail.
Les autorités tchadiennes annoncent qu’elles vont relocaliser ces milliers de réfugiés camerounais accueillis dans les 6 sites provisoires, à la sortie nord de la ville de N’Djamena.
Jules Doukoundjé