Le Think Thank Tchad Notre Patrimoine a organisé une conférence-débat ce samedi 11 décembre au Centre d’étude et de formation pour le développement (CEFOD). Le thème de la conférence a porté sur « l’État unitaire décentralisé au Tchad est-il un échec et le fédéralisme est-ce la solution » ? Le panel était constitué de : Professeur Ahmat Mahamat Hassane juriste, ancien ministre de la Justice, Emmanuel Nadingar homme politique, ancien premier ministre, Kebir Mahamat Abdoulaye économiste et spécialiste des politiques publiques et Énoch Djondang expert, juriste en développement. Reportage.
Ce débat public est un souhait des internautes tchadiens selon le modérateur. Il précise qu’ils aspirent à un État fédéral au Tchad. Un grand public majoritairement jeune envahit la salle multimédia du CEFOD. L’histoire politique du Tchad est le premier point exposé par le Pr. Ahmat Mahamat Hassane. Le pays selon lui est fondé sur les chefferies traditionnelles avant l’arrivée des colons. Il rappelle que le préambule de la Constitution de 1996 affirme que le Tchad est un État unitaire centralisé. Les autorités locales reçoivent des ordres du pouvoir central, dit-il. « L’État unitaire fortement décentralisé qu’on entend tous les jours est un terme qui n’existe nulle part dans le droit administratif. Le Tchad n’a jamais été un État décentralisé », dit-il. Pr. Ahmat affirme qu’il faut parler des problèmes réels des Tchadiens. L’ancien Garde des Sceaux estime que la forme de l’État importe plus le peuple actuellement conséquence de la dévotion du pouvoir par la violence. Et son résultat : l’éducation à terre, l’injustice sociale, la mauvaise gouvernance et l’impunité généralisée sont les vrais soucis de l’heure, dit-il. « Tous ces problèmes précités frustrent certains Tchadiens qui pensent que la fédération serait une solution ».
Emmanuel Nadingar prend la parole. Il affirme que le concept de fédération ne date pas d’aujourd’hui. C’est une émanation de la Conférence Nationale Souveraine(CNS) de 1996, a dit l’ancien chef du gouvernement. À son avis, la CNS a accouché des grandes solutions aux problèmes des Tchadiens, mais elles n’ont jamais été mises en pratique, regrette-t-il. « Dernièrement, les débats politiques sont accentués sur la limitation des mandats présidentiels. Certains partis politiques se sont retirés de la présidentielle de 2016 ». Pour l’ex Premier ministre, l’organisation des élections non transparentes est un problème. Il demande à l’État d’offrir la possibilité aux Tchadiens la mise en place des structures crédibles et transparentes. M. Nadingar cite en exemple, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). La décentralisation n’est pas encore expérimentée au Tchad sous-tend-il, le Pr. Ahmat. Pour lui, il faut plutôt regarder les questions de base qui sont des réalités qui divisent les Tchadiens. La dia en est une illustration note M. Nadingar et non la forme de l’État.
Au tour de M. Enoch Djondang expert, juriste en développement, d’intervenir. « L’histoire d’un pays ça s’écrit, ça ne se décrète pas », dit-il. Le juriste affirme que dans les années 1960 à l’indépendance du Tchad, les cadres se comptaient sur les bouts des doigts. « On a mal commencé ! Les colons ont fait signer au premier président, Ngarta Tombalbaye un document qui leur permet d’exploiter les ressources minières. Le document indique que les 20 km de routes bitumées et l’aéroport sont des propriétés de la France. C’est lamentable », dit-il. Il affirme que les fondements de l’État sont la citoyenneté, la représentation du citoyen, le respect des lois, l’économie et la diplomatie. M. Enoch indique que ces fondements malheureusement, piliers d’un État de droit ont été faussés dès le départ. Les Tchadiens en souffrent les conséquences en ce moment. Il souhaite que les Tchadiens ne s’attardent pas sur la forme de l’État. L’indispensable selon lui, c’est de créer « un Tchad juste ou chacun se sent à l’aise dans son environnement. »
L’Économiste M. Kebir Mahamat Abdoulaye est le dernier intervenant. Il affirme que le Produit Intérieur Brut PIB du Tchad en 1960 était à 1 milliard. En 2018, le PIB est passé à 12 milliards de FCFA. Pour lui, le PIB n’a pas évolué. Il estime que la croissance démographique est plus élevée que la croissance économique. M. Kebir prend l’exemple de quelques pays qui sont dans le fédéralisme pour appuyer son argumentation. Pour lui, ce n’est pas la forme de l’État qui fait la puissance d’un pays, mais plutôt la bonne gouvernance et la gestion du pouvoir. L’économiste dit être contre l’instauration du fédéralisme au Tchad. Selon lui, cette forme de l’État risque d’inciter le tribalisme, l’ethnicité, la désignation des capitales des États fédérés et le coût économique. Il reconnaît qu’il existe un problème d’injustice, mais que la fédération ne sera pas la solution.
Le public a plus alimenté le débat par sa contribution que de poser des questions. Pour les participants, le fédéralisme est compris au Tchad profond comme une solution au mal vivre ensemble. Le public reconnaît qu’il faut des préalables pour instaurer la fédération au Tchad.
Kouladoum Mireille Modestine