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Édito : Amnistie, le bon pas du PCMT

Déc 02, 2021

C’est lors d’un conseil de ministre extraordinaire que le président du Conseil Militaire de Transition (PCMT) Mahamat Idriss Deby Itno a annoncé la nouvelle : l’amnistie. Le moment, la solennité de l’endroit (Conseil extraordinaire) et la volonté du jeune président de la transition ne sont pas fortuits. C’est un bon pas dans la bonne direction. Pourquoi?

D’abord parce que l’amnistie est la principale clé de la réconciliation et de la réussite du Dialogue National inclusif (DNI). Même si, bien sûr, ce n’est pas la seule clé. Sur cette question, le PCMT a pris la bonne décision. Il a été bien inspiré. Alors, faisons un peu de pédagogie, en français facile. Que veut dire amnistie? Quelle est la différence entre amnistie et grâce présidentielle? Certains ex-rebelles n’ont bénéficié que de la grâce présidentielle. Vont-ils être inclus dans la loi d’amnistie? Cette amnistie générale englobera-t-elle le passé et le présent?

Selon les juristes, l’amnistie est un acte qui a des fondements politiques. Il est pris par le parlement et devient une loi. Cette loi permet de sceller une réconciliation parce que des actes graves ont été commis. L’amnistie est plus solide et large. Elle efface le casier judiciaire de ceux qui sont concernés. Par contre, la grâce présidentielle est plus limitée et relève du pouvoir discrétionnaire du président de la République. Il peut prendre un décret pour pardonner à une personne condamnée pour une infraction de droit commun. C’est-à-dire un délit qui n’a rien à voir avec la politique. La grâce présidentielle arrête la peine de prison, mais n’efface pas le casier judiciaire.

Ensuite, parce que les rencontres de Paris (France) et celle de Doha (Qatar) entre les politico-militaires et Comité Technique Spécial (CTS) ont été un déclic. Organiser un dialogue sans les politico-militaires est un échec. Aussi, les leaders politico-militaires ont été unanimes à réclamer une loi d’amnistie avant de s’engager à participer à un pré-dialogue, en dehors du pays et sous l’égide d’un parrain et de la communauté internationale. Les réclamations des politico-militaires sont certes variées, chacun rajoutant son grain de sel, mais le principe de base est le même : l’amnistie d’abord. Selon nos sources, le président de CTS, l’ex-président Goukouni Weddeye et son équipe ont joué des coudes et mis leur crédibilité en jeu pour faire comprendre au PCMT et lui faire admettre qu’une vraie réconciliation doit passer par une loi d’amnistie. Ce n’était pas une demande impossible à honorer. Et il ne faudrait surtout pas la noyer par toutes sortes d’entourloupes. Le PCMT a compris les enjeux au grand dam « des tenants de la ligne dure » de son entourage et celui du défunt président qui continuent à tirer les ficelles. Ce cercle voulait plutôt un retour des politico-militaires à la carte et à la tête de l’opposant suivant 2 critères : la capacité de nuisance et la popularité de chaque leader. Le désir de ce cercle a pour l’instant échoué. Et c’est tant mieux pour le pays.

Aussi, le Conseil National de transition (CNT) et le ministre de la Justice sont déjà, disent plusieurs sources, au travail pour sortir les deux projets de loi. L’adoption du principe de l’amnistie est un bon coup du PCMT. C’est sérieux pour l’avenir du pays. Et c’est définitivement un bon pas vers la paix même s’il faudra attendre les détails de la loi. Les Anglais ne disent-ils pas que « le diable est dans les détails »? Déjà, la rébellion la plus active, le Front pour l’Alternance et la concorde au Tchad (Fact) dit être exclu de ce projet d’amnistie. Normal. Pour être concerné par l’amnistie, il faut avoir été condamné. Le cas du Fact doit être à part, leur retour relèvera des négociations et des garanties de sécurité que le CMT leur proposera. Le ministre de la Réconciliation et du Dialogue, Acheikh Ibni Oumar tempère en assurant qu’il n’y a pas d’inquiétude à se faire. Reste que le projet d’amnistie est une bonne nouvelle qui mérite d’être soulignée et portée au crédit du président de la transition Mahamat Idriss Deby Itno. Il montre aux Tchadiens son côté « Mahamat Kaka », le côté sage de son sobriquet. Espérons qu’il y tienne. Qu’il surprenne les Tchadiens en allant plus loin. Par exemple, en restant arbitre sans être tenté par le pouvoir. Peut-être que sa petite phrase anodine, passée presque inaperçue,  « ..ma personne n’est pas importante.. » lors de sa dernière entrevue sur France24 a un sens plus profond qu’il n’a laissé paraître. C’était peut-être un message subliminal. Vous connaissez l’histoire des « taiseux »? Ils surprennent toujours… enfin, pas tous.

Aux dernières nouvelles, hier 1er décembre : journée de la Démocratie et des Libertés, le PCMT a été élevé au rang de Général d'Armée 5 étoiles. À 37 ans en avait-il besoin pour mener à bien sa mission? Les Tchadiens espèrent qu’avec 5 lourdes étoiles sur son épaule, le jeune président de la transition ne bifurquera pas, à grands pas de militaire, vers une mauvaise direction.

Bello Bakary Mana

 

 

 

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