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« Le calendrier du Dialogue national inclusif ne sera pas respecté », Dr Évariste Ngarlem Toldé

Oct 27, 2021

Pour éclairer ses lecteurs sur la situation politique en cette période de transition, Ialtchad Presse s’est entretenu avec le politologue Dr Évariste Ngarlem Toldé, ce 22 octobre 2021. Des questions sur les préparatifs du dialogue, la négociation avec les politico-militaires, le CNT ont été abordées. Entrevue.

Les préparatifs au dialogue (curieusement baptisé pré-dialogue) pointent à l’horizon. Qu’est-ce cela démontre ?

Cela montre que le calendrier ne sera pas respecté. Parce que même, l’organisation du dialogue ne peut être rendue possible que par rapport à un certain nombre de préalables, dont le pré-dialogue. Et il y a des étapes à franchir dont le plus important est le financement. Je ne pense pas que d’ici novembre ou décembre qu’il puisse y avoir un dialogue national. Il faut compter début ou fin trimestre 2022.

Que pensez-vous du dialogue avec l’opposition armée, le premier pas du président du comité spécial semble tourner en échec ?

Jusque-là, rien n’est clair. La question la plus importante est celle de savoir : on va au dialogue pourquoi faire? Et avec qui ? C’est parce qu’au sortir du dialogue on doit avoir de nouvelles institutions : un nouveau parlement, un nouveau président, un nouveau premier ministre. Il faut définir clairement ce que nous attendons pour rassurer l’opposition armée. Mais à ce qu’on le sache apparemment c’est comme s’il n’y a pas des facilitateurs. Il faut donner confiance à ces acteurs politiques là. Vous savez il est difficile d’établir un dialogue direct entre oppositions armées et le pouvoir. Peut-être, la rébellion ne voit pas de garantie pour sa sécurité et de la matière même dans ce dialogue. Donc je pense que les objectifs doivent être clairement définis pour rassurer la partie adverse. On ne peut pas engager comme ça une négociation pour le plaisir de le faire. Cela ne va pas aboutir. Il faut que tout soit clair, qu’on sache où on va et vers qui, c’est important.

Vous parlez de garantie, à quoi faites-vous allusion ?

Il s’agit d’une garantie de sécurité, il n’y a pas encore une loi d’amnistie. Donc l’opposition armée ne va pas s’engager comme ça pour venir dialoguer. Vous savez même que les nouvelles circulent qu’il y a eu beaucoup de règlements de compte. Il faut savoir que le lieu même de la tenue du dialogue pose problème. Ils vont venir comment? Où est-ce qu’ils vont mettre leurs armes. Tous ces aspects sont à prendre en compte.

Certains leaders de l’opposition démocratiques, Yaya Dillo, par exemple, demande que le CNT soit dissous.  Le CMT le fera-t-il selon vous ?

Je ne pense pas, le vin est tiré, il faut le boire. Maintenant c’est pendant le dialogue que tout sera décidé. Aujourd’hui, le dialogue n’a pas une base juridique. Donc le DNI doit être une occasion de décider de continuer avec le CNT soit de créer un parlement de transition. On aura aussi un Premier ministre de transition et pourquoi pas un président de transition. La durée même de la transition sera définie. Elle ne commencera réellement qu’en ce moment. Actuellement les conseillers sont déjà installés et il sera difficile de revenir en arrière. Ceux qui iront au dialogue ne doivent pas avoir peur. Ils doivent avoir le courage de discuter et décider d’asseoir des institutions démocratiques et crédibles pour notre pays. Il ne doit pas y avoir de tabous et les gens doivent déjà être rassurés de la tenue de ce dialogue. S’il faut aller au dialogue pour ne rien changer et de revenir à la case de départ, nous serons tombés dans une bassesse et méprisés par le monde entier.

S’il fallait avoir un avis avisé sur cette période transitoire, que diriez-vous ?

Écoutez, un militaire ne prend pas le pouvoir de nos jours pour le remettre demain à quelqu’un. Il faut que les gens se détrompent. L’armée est une structure organisée. Les militaires ont les armes. Ils ont aussi les moyens et ce n’est pas facile. Tout ce qu’il faut ce que les Tchadiens peuvent eux-mêmes décider de les faire partir par des moyens légaux au moment venu à travers le dialogue ou par la voie des urnes. Tout porte à croire que le CMT est venu pour rester. La non-modification de la charte de transition, l’intention non avouée du Président du CMT de se présenter aux élections le prouvent. Il ne faut pas que les gens soient leurrés, normalement le dialogue doit être au lendemain de la prise du pouvoir. Mettre les Tchadiens autour d’une table pour décider des actions à mener. Nous sommes déjà à 6 mois. On attend encore le dialogue. Il faut attendre encore 6 autres mois pour peut-être arriver au dialogue. En 1993, par exemple, le dialogue a pris plusieurs mois. En toute franchise, la junte n’a pas l’intention de remettre le pouvoir aux civils.

Réalisation Moyalbaye Nadjasna

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