Les Tchadiens se décrivent comme des femmes et des hommes courageux, fiers, dignes et généreux. Fiers pour ce qu’ils sont, tous Tchadiens, tous égaux devant Dieu, Allah, la loi et tutti quanti. Dignes par leur attitude, même le plus démuni parmi les démunis sait tenir son rang devant l’adversité. Généreux par leur bienfaisance, leur aptitude à l’accueil et au partage. Mais ce sont des gens qui manquent parfois de courage à porter des principes et à les défendre. Comment comprendre d’avoir laissé le Conseil Militaire de Transition (CMT) s’accaparer du pouvoir par la force? Et imposer son plan à marche forcée depuis presque 7 mois. Comment comprendre d’avoir laissé le loisir à cette junte de choisir à la carte, un Premier ministre et nommer les membres d’un gouvernement à sa dévotion? Comment comprendre d’avoir laissé la main au président de la transition Mahamat Idriss Deby de sélectionner selon ses intérêts les membres d’un Conseil national de transition (CNT) à sa botte? Comment comprendre qu’une partie des Tchadiens marche pacifiquement pour contester les méthodes du CMT et qu’ils se fassent violenter, embastiller devant l’autre partie étonnamment silencieuse? Pourtant la majorité des Tchadiens aspire au changement. Mais alors pourquoi ce peuple qu’on dit si courageux est en fait si détaché de ses propres principes et ses lois? Surtout à un moment crucial où des choses graves se produisent et se reproduisent? Pourquoi cela n’émeut presque personne? Il est temps tchadiens de vous indigner. Ne vous taisez plus.
D’abord, indignez-vous pour l’arrestation arbitraire et la garde à vue des leaders du mouvement citoyen Wakit Tama : Dr Sitack Yombatinan Béni, vice-président du parti Les transformateurs, le syndicaliste Barka Michel, président de l’Union des Syndicats du Tchad (UST) et Félix Martin. Les officiels leur reprochent d’avoir troublé l’ordre public et détruit des biens. C’est un peu trop mince comme raison. Ils ont été présentés mardi 12 octobre au procureur de la République. Ils sont libres, mais la justice pourrait demander à leurs avocats de les ramener chez le juge à tout moment. Cela s’appelle de l’intimidation d’une justice aux ordres. Ces intimidations ont commencé quelques jours avant lorsque le ministre de la Communication porte-parole du gouvernement Abdramane Koulamallah a affirmé que l’État portera plainte. Ces arrestations sur commande et en cette période doivent cesser pour apaiser les esprits. Pour éviter l’arbitraire. Tchadiens, dénoncez cela même si vous ne partagez leurs idées. Le silence tue le pays. Pire, il avilit l’esprit tchadien.
Ensuite, indignez-vous aussi pour la perquisition au siège du parti Les Transformateurs. Une perquisition, tenez-vous bien, pour aller décrocher un morceau de tissu, le drapeau national. Pourtant il s’agit d’un symbole national. Un bien commun que tout Tchadien a droit d’honorer et d’arborer où il veut dans ce vaste pays. N’y a-t-il pas mieux à faire que de retirer un drapeau accroché au siège d’une organisation politique? Il y a quelque de burlesque dans les œuvres de cette transition atavique.
Pis, la dérive dangereuse du CMT se confirme chaque jour par l’exercice solitaire du pouvoir d’un jeune homme sans expérience. Les 14 autres généraux membres du Conseil ont disparu des radars depuis fort longtemps. Plusieurs sources affirment à la rédaction que le Conseil ne tient presque plus des réunions. Ils sont payés à ne rien faire. Il n’y a plus que Mahamat Idriss Deby aux commandes. Il a 37 ans. Il a tous les pouvoirs. Il fait ce qu’il veut, comme il le veut. Il n’a aucun contre-pouvoir. Il commence à n’entendre que lui-même. Son allure a changé. Observez-le bien. Le jeune homme timide et à la voix tremblotante des premières heures lors de son coup de force est un vieux souvenir. Il est de plus en plus sûr de lui. Il se débarrasse peu à peu de sa tenue militaire. Il découvre le pouvoir. Il semble aimer cela. Il est tenté. Il va s’accrocher, enfin peut-être…
Le CMT va de plus en plus vers la logique de confiscation du pouvoir. La preuve, la composition du fameux Conseil National de Transition (CNT) avec des jeunes hommes et des jeunes femmes « quota isés ». Le problème ce n’est pas le quota, mais la qualité des personnes. Il est clair que ce CNT est composé des plusieurs personnes peu fréquentables. Comment y sont-elles parvenus à des telles responsabilités? Mystère. Même ceux qui étaient censés avoir la main sur la liste de cet organe ont perdu le Nord à sa publication. Ils étaient chaos debout. Abasourdis par la manœuvre de la présidence. Autres signes de la dérive, après 7 mois rien n’est encore clair et précis. Les demandes de l’Union africaine (UA) comme par exemple la modification de la charte n’est toujours pas à l’ordre du jour. Mahamat Idriss Deby s’est même offert le luxe d’engager un bras de fer avec l’UA. Particulièrement avec son compatriote le président de la Commission Moussa Faki.
Enfin, indignez-vous Tchadiens de la suspension du directeur de l’information de la télévision publique (Onama) Souleymane Djabo pour avoir couvert l’évènement d’un homme politique de l’opposition et ou pour la couverture d’un procès en cours. Les anciennes pratiques ont la vie dure. Indignez-vous Tchadiens, lorsque le CMT veut ériger, en cette période de transition, l’arbitraire et l’injustice en mode de gouvernance. Suspendre un journaliste, enfermer des syndicalistes, perquisitionner le siège d’un parti sont les signes avant-coureurs d’une logique de confiscation du pouvoir. Le temps, Tchadiens, n’est plus au silence. Indignez-vous. Et faites-le savoir.
Bello Bakary Mana