Dans notre observation
et recherche sur les conflits du Tchad et la situation politique
dans ce pays, nous avons identifié des centaines des formations
politiques, des organisations politico-militaires et Associations
de la Société civile. Toutes s’intéressent activement aux conflits
qui déchirent le pays et opposent ses leaders politiques. De ce
constat, nous nous posons la question de savoir : Pourquoi la
question politique intéresse-t-elle si tant les Tchadiens? La
population du Tchad est inférieure à dix millions d’habitants. La
Fonction publique tchadienne totalise moins d’un million de
fonctionnaires. Depuis l’indépendance en 1960 à nos jours, le pays
a connu plusieurs conflits sociaux, politiques et des
affrontements armés, ayant entraîné des milliers de blessés et de
morts.
Plusieurs tentatives de réconciliation nationale ont été amorcées
selon chaque régime et de multiples Accords de paix sont adoptés
et signés. Des élections législatives et présidentielles sont
organisées, plusieurs Gouvernements d’ouverture ou de consensus
sont formés, mais aucune solution définitive n’a été trouvée. Les
dissensions entre les acteurs politiques, les défections au sein
des partis politiques, dans les Organisations politico-militaires
et les désertions au sein de l’Armée nationale, provoquent de
vives tensions politiques et sociales dans le pays et entraînent
souvent des affrontements armés avec leur cortège de malheurs sur
des citoyens innocents.
Aujourd’hui les populations civiles tchadiennes en ont vraiment
assez. Les militaires du gouvernement tout comme les combattants
rebelles sont fatigués. Néanmoins, les leaders politiques du
pouvoir ou de l’Opposition persistent dans leurs ambitions et
tergiversent sur l’option à adopter pour aboutir à un compromis
raisonnable. Vu la gravité et l’impasse de la situation, ces mêmes
leaders politiques tentent de trouver une voie de sortie de crise.
Des rencontres et concertations se multiplient, plusieurs
émissaires dont l’ancien président tchadien Goukouni Weddeye, sont
sollicités pour explorer la situation et rapprocher les positions.
Certains des Opposants exigent un <dialogue inclusif> et le
Gouvernement au pouvoir propose la <réconciliation nationale>.
Bref, c’est déjà une bonne chose, car l’idée principale de
négociation politique n’est pas écartée et il n’y a pas non plus
de rupture totale. Mais comment avancer de manière concrète afin
d’aboutir à des solutions acceptables pour tous et dans l’intérêt
du Tchad ?
-
Pour les partisans du <dialogue inclusif>, le débat sur les
conflits du Tchad doit être soumis à une concertation générale,
regroupant
tous les acteurs de la crise
tchadienne à savoir, les
partis politiques, les politico-militaires, les Associations de la
Société Civile, la Diaspora tchadienne, etc..
sous la médiation de la Communauté
internationale, pour aboutir
à
la mise en place d’un Gouvernement de Transition et organiser des
élections libres et démocratiques.
Cette position serait soutenue par
les rebelles de l’UFDD de Mahamat Nouri et du RFC de Timan Erdimmi,
mais aussi par les autres membres de la rébellion, tels le CPR du
Dr Amine Ben Barka et la CNT de Dr Al Djineti Allazam, tout comme
l'Opposition politique de l'intérieur, telle la
CPDC et le parti FAR, mais aussi
la Société civile.
Les enjeux de nos conflits sont importants et les stratégies à
adopter semblent difficiles, mais est-il vraiment nécessaire de
faire participer tout ce monde ? Cela ne nous ramènerait-il pas à
une nouvelle forme de Conférence Nationale bis ? Le nombre des
participants importe peu, mais c’est plutôt la qualité et la
pertinence des propositions réalistes à présenter qui devraient
mériter plus d’attention.
-
Pour le Gouvernement tchadien,
l’organisation d’une table ronde
pourrait conduire à <la réconciliation nationale> et serait une
opportunité de ramener au bercail les Opposants en exil. L’idée
n’est pas mauvaise, si cela pourrait restaurer la paix et
maintenir la stabilité dans notre pays. Mais cet appel lancé
est-il général à tous, ou seulement aux politico-militaires de
l’Est ? L’ancien président Goukouni Weddeye dans sa mission de
bons offices a-t-il des propositions concrètes pour rassurer les
frères de l’Opposition, non seulement de leur sécurité mais aussi
pour un réel partage du pouvoir? A-t-il de garanties pour
l’amélioration de la méthode de gouvernance dans notre pays et
dans l’intérêt national ? Son rôle à lui se limiterait-t-il à la
médiation uniquement ou sera-t-il aussi impliqué avec son
organisation, les FAP/CPR, comme partie prenante dans ces
pourparlers ?
<Dialogue inclusif> ou <réconciliation nationale>, les
belligérants ont-ils une réelle volonté de mettre fin aux conflits
politiques et aux affrontements armés qui endeuillent les familles
tchadiennes? Les Tchadiens doivent-ils avancer vers l’essentiel ou
perdre le temps sur des interminables querelles de procédure qui
cachent d’autres intentions inavouées ? Cette <réconciliation
nationale> ou ce <dialogue inclusif> doit-il être amorcé seulement
avec les Groupes armés qui menacent la stabilité du pays ou
également avec certains leaders politiques de Opposition de
l’intérieur et de l’extérieur, afin de créer réellement une
accalmie générale sur l’ensemble du pays ? L’objectif fondamental
serait-il de restaurer la paix et la stabilité au Tchad ou bien de
répéter les erreurs des années 79-80, en se limitant uniquement au
partage des postes de responsabilité au Gouvernement et dans
l’Administration? Nos frères protagonistes cherchent-ils de vraie
solution ou veulent-ils se reconstituer de nouvelles formes
d’alliances stratégiques pour mieux gouverner et dominer la
majorité silencieuse des Tchadiens généralement pacifiques ?
Les conflits en Afrique sont multiples, et quelle que soit leur
ampleur, des solutions pacifiques sont trouvées, alors le Tchad ne
fera pas l’exception. Les affrontements armés peuvent dissuader
mais pas conduire à une solution définitive et durable. C’est
pourquoi, le dialogue et la concertation sont toujours
nécessaires, mais sur des bases objectives. La réconciliation
nationale est certes bien possible, si les belligérants tchadiens
font un effort pour ignorer leurs ambitions et intérêts
personnels, penser à la souffrance des populations et trouver un
compromis politique réaliste et viable pour restaurer la paix et
la sécurité pour tous.
Tout leader politique Tchadien qui se respecte en tant qu’homme d’Etat,
doit dépasser des visions clanique et régionale, pour accepter de
gouverner le pays avec l’adversaire d’aujourd’hui qui pourrait
être le partenaire sûr de demain. Et la mise en place d’un Etat
démocratique et crédible fondé sur le respect des droits et
libertés, sera un grand honneur pour le Tchad. Mais comment se
présente aujourd’hui notre paysage politique de manière générale ?
Il
y a d’un côté le Gouvernement, les politico-militaires et les
partis politiques de l’Opposition. Et de l’autre côté, les
Associations de la Société civile, les Syndicats, les
Organisations de Droit de l’Homme et des personnalités
indépendantes de la Diaspora. Bien que la chose politique
intéresse tous les Tchadiens et chacun a ses ambitions, il faut
faire preuve de retenue et aborder cette question de manière
réaliste et objective, tout en situant chacun à sa place et devant
ses responsabilités.
Les négociations politiques doivent se faire entre politiques,
c’est-à-dire entre le Gouvernement au pouvoir, les Mouvements
politico-militaires et les partis politiques de l’Opposition,
légalement créés qui contestent le pouvoir et font des
propositions réalistes. Les Associations de Droit de l’Homme, les
Syndicats et les Organisations de la Diaspora, ne peuvent être que
des témoins et observateurs, tout comme certains partis politiques
alliés au pouvoir. Si certaines de ces Organisations ont des
contributions importantes à faire, elles peuvent les présenter
sous forme de propositions aux acteurs politiques en conflit. Mais
de grâce, évitons des amalgames et le cafouillage, tirons les
leçons des expériences passées pour avancer positivement et
aboutir à de décisions historiques importantes pour enfin sauver
le Tchad et l’avenir des générations futures. La paix et la
stabilité dans notre pays mérite certes un effort de chacun et de
tous, pour éviter la déstabilisation du Tchad et les ingérences
intempestives d’autres Etats dans nos affaires intérieures. /-
Hassane Mayo-Abakaka
Président de la Communauté Tchadienne de New York
Email : hmayo2002@yahoo.com
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