Le Tchad est malade de ses conflits sociopolitiques et militaires. Sa diplomatie qui devrait l’aider à se stabiliser, grâce à la médiation de ses partenaires, semble aussi infectée et agonisante. Les officiels tchadiens qui voyagent à travers le monde le savent. Mais personne n’en parle, comme si tout allait à merveille. La gestion cafouillée de cette diplomatie et la mauvaise utilisation de ses ressources humaines et financières bloquent toute perspective positive de coopération internationale du Tchad.
La crédibilité de notre diplomatie dépend de la capacité des hommes et femmes qualifiés qui vont la gérer. Aujourd’hui, la diplomatie tchadienne reflète l’image du pays dans sa mauvaise gouvernance. Devenue comme la propriété privée de certains, elle évolue vers la dérive et risque d’atteindre le niveau d’anarchie de la situation politico-militaire actuelle. Cela ne gêne pas les autorités politiques au pouvoir, ni les responsables du Ministère, moins encore certains Chefs de Mission qui s’accrochent pour le besoin de la cause. La gestion de cette diplomatie est laissée au hasard, oubliant parfois les orientations du Gouvernement, moins encore les principes constitutionnels et du Droit international. Les actes posés sont contradictoires aux principes énumérés. Cela frise parfois non seulement de l’irresponsabilité, mais de l’inconscience des dirigeants au pouvoir. La diplomatie tchadienne, telle qu’elle se présente est triste et déplorable.
Ailleurs, les Diplomates sont suivis et appuyés dans leur mission par leur Gouvernement. Et même les Diplomates en fin de carrière, sont soutenus par leurs pays pour intégrer des Organisations internationales et régionales. Au Tchad, nos anciens Diplomates sont placés au « Garage », sans aucune considération des décennies de service rendu à la Nation. Pire encore des Hommes d’expérience sont humiliés et remplacés par des novices politiciens, qui ne peuvent rien réaliser au niveau international.
Dans la diplomatie tchadienne, il y a de traitements discriminatoires et inacceptables. On s’occupe bien de certains et on néglige d’autres. Certaines Ambassades font l’objet d’attentions particulières et sont servies en priorité par le Ministère des Finances, alors que d’autres sont laissées pour compte. Certains Ambassadeurs sont consultés régulièrement et d’autres en poste, restent très longtemps sans avoir aucune communication avec le Chef de l’Etat.
Face aux Officiels gouvernementaux en mission, certains Ambassadeurs accueillent très bien tel Ministre « parent ou ami» et ignorent ou tournent le dos à tel autre. On s’intéresse plus aux têtes des individus qu’à leur mission. Les alliances claniques et régionales sont plus considérées que la solidarité nationale.
Et rares sont des Missions diplomatiques qui produisent régulièrement des Rapports trimestriels ou semestriels. Quant aux Rapports annuels présentés, ils insistent souvent sur des aspects financiers que sur des Dossiers politiques. Pour la plupart, c’est une stratégie de planifier comment arrondir les angles que de vouloir améliorer les conditions de travail dans nos Ambassades. Il y a aussi certains Chefs de Mission qui confondent le maigre budget de Fonctionnement des Ambassades à leurs poches. C’est pourquoi, la plupart des Représentations tchadiennes semblent vétustes, avec des mobiliers délabrés datant d’une vingtaine d’années, comme s’il n’y avait pas de budget d’Équipements.
Au Ministère, environs plus de 70% des Agents sont parachutés de l’extérieur. Après leur intégration au Département, ces politiciens s’agitent pour être reversés dans le Statuts du Corps diplomatique tchadien. N’ayant pas de qualification sérieuse ou ayant raté leur carrière professionnelle, ils viennent se greffer dans la diplomatie pour survivre. Au Ministère, il n’y a que 10% à 15% des Agents qui se consacrent réellement au travail. Quant à la gestion du Département, c’est de la navigation quotidienne à vue. Des dossiers urgents transmis par les Ambassades sont traités parfois avec légèreté. Il n’y a pas de réel suivi, ni de contrôle effectif par les responsables hiérarchiques concernés. L’agitation politicienne se déclenche que si le Général Président se réveille et exige de s’informer sur un dossier particulier qui l’intéresse. Même le budget annuel du Ministère est établi sans tenir compte des besoins réels du Département et des Ambassades. Les Chefs du Département préfèrent plutôt utiliser des Caisses d’avance et des collectifs ou le budget commun pour mieux jongler les fonds du contribuable tchadien. Ainsi la transparence dans l’exécution du budget laisse place au cafouillage difficile à contrôler.
Quant aux salaires des Agents, bien que le Tchad ait des revenus substantiels de son pétrole, cela reflète la situation dramatique de l’ensemble des Fonctionnaires tchadiens. Les diplomates tchadiens reçoivent un salaire de misère, qui est toujours payé avec retard. Les responsables du Département eux-mêmes et ceux du Ministère des Finances, se soucient peu de la crédibilité du pays. Il n’y a pas d’Assurance maladie et les frais de Scolarité des enfants, bien que prévus par les textes officiels, ne sont pas payés. Quelle Diplomatie le Tchad pourrait-il ainsi mener de cette manière ?
Cette pratique dramatique en cours ne gêne nullement les responsables politiques tchadiens, même au plus haut niveau de l’Etat. Le président Deby qui récemment se préparait à se rendre aux États-Unis, sait pertinemment que des décisions importantes de ce Monde sont prises aux Nations Unies, à la Banque Mondiale et au Fond Monétaire International. Or la diplomatie tchadienne au pays de l’Oncle SAM est paralysée depuis des années. Ce cas n’est pas unique dans notre Diplomatie et les exemples ne sont pas exhaustifs. Mais compte tenu des grands dossiers traités aux Nations Unies et du rôle prédominant joué par les États-Unis au sein de la Communauté internationale, nous avons choisi l’ONU et les USA comme lieu concret de notre analyse. D’autres Ambassades dans certaines régions fera l’objet de notre réflexion prochainement.
En plus des obstacles et contraintes énumérés, d’autres tracasseries politiciennes viennent troubler nos Diplomates. Cadres ou personnalités politiques tchadiennes, nos Diplomates tentent de résister mais finissent toujours par claquer la porte, soit pour retourner au pays, soit pour aller en exil ou en rébellion armée.
AU NIVEAU DES CADRES :
AU NIVEAU DES AMBASSADEURS :
Au-delà des États-Unis, il faut noter que :
Aujourd’hui, le Tchad est bloqué faute de leaders politiques crédibles et capables de rassembler ses fils compétents pour réaliser les attentes de nos populations. Beaucoup des Tchadiens sont hostiles aux affrontements armés, et rejettent l’anarchie politique, entraînant le non-respect des libertés et droits fondamentaux. Ils ne veulent pas non plus d’un régime basé sur la mauvaise gestion et la corruption. La diplomatie tchadienne n’évolue pas faute des projections fiables pour élargir les possibilités d’action du pays et concrétiser les objectifs à réaliser pour son développement économique et social.
Depuis son arrivée au pouvoir en 1990, le président Deby n’a pas réussi à effectuer de visite officielle aux Etats-Unis d’Amérique. Le Tchad a des intérêts importants avec les USA, alors qu’est-ce qui bloque cela ? Les relations avec le Consortium pétrolier piloté par Exxon, tout comme les rapports économiques et militaires, évoluent très lentement. Qu’est-ce que le Ministère et ses Diplomates ont-ils préconisé pour faire avancer et améliorer ces rapports politiques qui sont si déterminantes ? Le lobbysme peut être utile mais pas suffisant, car la diplomatie c’est d’abord des relations d’Etat à Etat. Les multiples violations des droits de l’Homme au Tchad ne passent pas inaperçus, au sein de l’Opinion publique américaine. Mais la stabilité politique du Tchad reste l’une des conditions sine qua none pour rassurer tout Investisseur. Il est donc important d’avoir une diplomatie dynamique et efficace avec des Représentants crédibles. Ce choix relève de la responsabilité des dirigeants au pouvoir. Malheureusement notre diplomatie actuelle n’envisage aucune stratégie, pour tenter de restaurer la paix et la sécurité au niveau national, ni de réunir les conditions objectives pouvant rassurer nos partenaires à investir pour le développement économiques et social du Tchad.
Au Ministère, dès qu’il y a une analyse critique, au lieu de s’inspirer pour corriger certaines lacunes, on joue plutôt au pompier et au pyromane. Certes le réflexe de la critique constructive n’est pas rentré dans l’esprit et les mœurs de certains, qui n’attendent que des ordres viennent d’en haut pour les exécuter souvent mal et ne prendre aucune initiative pour proposer quoi que ça soit.
Hassane Mayo Abakaka